Leçon de réalisme...
C’est la balle de match, la sirène a sonné, Bayonne a sa pénaltouche pour vaincre 55 ans de disette dans l’antre d’Aimé Giral.
Le stade hurle pour encourager ses protégés ou pour couvrir de lazzis des Basques qui ont tenu tête à des Perpignanais, les regardant droit dans les yeux tout au long de ce match âpre, râpeux, tendu.
Pas d’envolées cet après-midi, des fautes techniques à foison, des défenses qui ne lâchent rien, les espaces n’ont pas droit de cité en cette belle journée hivernale de Top 14.
Alors, Bayonne joue son va-tout, il a déjà le bonus défensif, il veut aller chercher mieux, au pire un nul, au mieux, une victoire.
Cinq points d’écart, c’est rien à l’échelle du rugby, c’est juste un essai, c’est une somme de gestes mille fois répétés à l’entraînement ou en match qu’il convient de refaire, on sait que s’il est bien exécuté, c’est innarêtable !!
On l’a déjà fait en milieu de deuxième mi-temps, on a largement dominé la touche depuis le début de la rencontre, il n’y a plus qu’à lancer le ballon et le rattraper.
A peine dit, sitôt fait, le groupé-pénétrant se forme autour du preneur de balle, le ballon est sécurisé vers l’arrière, dans les mains de Martin.
Le maul évolue un peu en crabe, mais sans une réelle avancée vers la ligne catalane, l’arbitre va signifier le premier arrêt; alors Martin prend ses responsabilités.
Avec sa vélocité habituelle, il gicle sur le côté ouvert, un, deux, trois perpignanais se jettent sur lui pour l’arrêter, ils le stoppent à moins d’un mètre de leur en-but.
Le ruck est la correspondance suivante, il doit être rapide et patient à la fois, ne pas se précipiter mais ne pas donner aux Catalans le temps de se replacer en défense.
Le soutien doit être précis, efficace, plus en action qu’en réaction.
Malheureusement, ça ne se passe pas comme au tableau noir, on est un peu en retard sur l’action, les perpignanais sont plus nombreux et cherchent à ralentir la sortie du ballon.
Pour combler le retard, on se précipite, le ballon roule au sol, vers le camp des hôtes du jour, l’arbitre siffle l’en-avant logique et malgré une vidéo du dernier espoir, il validera sa décision…Bayonne a perdu, Perpignan a gagné, tellement à dire et finalement rien à rajouter.

Rembobinons le film…
Les 20 premières minutes ne proposent rien ou du moins pas grand-chose d’intéressant, si tu n’es pas supporter d’une des deux équipes, tu as déjà zappé sur un autre match.
Une pénalité de chaque côté, un score de parité (3-3), des actions à un temps de jeu, pas plus ça pourrait faire monter le cardio! Je charrie, mais à peine…
On se rend compte très vite qu’en cet après-midi le jeu ne va pas s’ouvrir et que la vérité de ce match va se passer dans les rucks, là où sont sifflées 80 % des pénalités. Aucune des deux équipes ne prend le risque d’attaquer, ça joue systématiquement au pied pour aller dans le camp adverse et attendre la faute ou l’erreur qui permettra de scorer. La tactique bayonnaise semble claire : ne pas donner de rythme au match et laisser la furia catalane au vestiaire, là où elle est la moins dangereuse.
M. Nuchy a un arbitrage basique des rucks: si tu veux contester un ballon assures toi que pas un de tes partenaires ne traîne dans le camp adverse, style le plaqueur ou un déblayeur emporté par son élan qui tombe du mauvais côté.
A chaque fois que les Bayonnais s’y sont risqués, ils ont pris des pénalités mais heureusement les buteurs Catalans semblent préférer trouver les poteaux ou le hors-cadre. On ne va pas s’en plaindre.
La deuxième partie de la première mi-temps s’anime un peu ; Megdoud rentre dans l’en-but Perpignanais, pris en l’air il remet tant bien que mal vers Machenaud, placé derrière lui, qui ne peut s’en saisir et commet un en-avant devant la ligne d’essai.Aucagne fait valoir son jeu au pied pour dégager les bleus catalans mis sous pression.
A tour de rôle, Tuilagi et Bruni essaient d’ouvrir le maillage serré de la défense des sang et or avec des charges massives mais pas une maille ne cède.
Perpignan prend l’avantage sur une nouvelle pénalité pour une faute bayonnaise en mêlée [le domaine dans lequel on a été friable aujourd’hui et où on a subi la loi Perpignanaise].
Lopez, à son tour, trouve le poteau sur une pénalité, les Catalans font en avant à la réception (6-3).
Habbel-Kuffner s’échappe de la mêlée, à deux mètres de la ligne il passe à Tuilagi lancé comme un poney-express, plaqué, il s’écroule dans l’en-but, il va marquer, c’est sûr!!
Oui mais non, Duguivalou passe son bras, malicieusement, sous le ballon et empêche l’essai.
Pas grave, se dit-on, ça va passer plus tard, tu es plutôt dominateur, Perpignan ne vient jamais dans tes 22 et c’est toi qui as les occasions: comme ce petit coup de pied par-dessus de Lopez repris par Erbi qui s’infiltre dans le camp bleu ciel, plaqué sur les 22 par Aucagne qui se met à la faute; mais le jeu se poursuit vers Tiberghien qui tel un obus explose Écochard et se fait arrêter juste devant la ligne d’essai.
L’avantage revient à Bayonne, Aucagne prend un jaune et Lopez passe la pénalité (6-6).
La mi-temps se pointe et pour une fois on ne le regrette pas! on espère même une autre histoire en seconde mi-temps plutôt que ce remake de la dystopie d’un Aimé de Mesmaeker tout droit sortie d’un mauvais Gaston Lagaffe.
Le second-acte reprend sans changement notable de tactique, Bayonne ne relance pas un ballon, jouant systématiquement au pied.
Sur les turn-over on ne contre-attaque pas, à l’exemple de celui du début de seconde mi-temps où Cheikh, sur ses 40, tape directement en touche.
Perpi profite de notre à peu près pour marquer un essai par Écochard, transformé par Allan (13-6).
Première occasion du match et essai, au niveau efficacité c’est du 100 % !!
Ça sera leur seule occasion du match, ils ne l’ont pas raté, bravo à eux.
Le soutien offensif bayonnais est un peu trop souvent en retard et cela profite aux contesteurs catalans; particulièrement à Velarte qui a montré son casque bleu et ses larges pognes dans tous les rucks, ralentissant mille ballons ou obtenant des pénalités salvatrices.
Les en-avant se multiplient, des deux côtés, rendant ce match haché et brouillon, on comprend qu’il ne se jouera pas sur les détails mais sur la capacité des deux équipes à faire le moins de fautes et à savoir conclurent les rares occasions d’essai qui se présenteront à eux.
Juste avant l’heure de jeu, Bruni marque sur une pénaltouche confuse.
L’essai sera accordé après de longues palabres et une vidéo prouvant avec une certaine évidence sa validité.
Cet instant arbitrage vidéo permettra à tous les téléspectateurs d’entendre cette pépite de la bouche de l’arbitre à Jéronimo De la Fuente, le capitaine catalan :
« Il n’y a pas de jeu déloyal de la part de votre joueur qui écroule le maul ».
Péchambert, Dartigeas sortez de ce corps !!
Lopez ne transforme pas l’essai (13-11).
Les Bayonnais semblent poser un problème insoluble à la touche adverse, qui essaie toutes les combinaisons possibles et se plante à presque tous les coups.
Il reste un peu moins d’un quart d’heure à jouer, une pénalité aux 22 mètres catalans, face aux barres, est signalée par l’arbitre, Bayonne joue l’avantage, mais le ballon sort en touche; lancer Bayonne à 5m de la ligne d’en-but.
Au lieu de prendre les points de la pénalité accordée, on joue la touche rapidement sans que personne ne soit vraiment lancé ou en réelle position de marquer.
Ce choix va se retourner contre nous, on ne marque pas, on perd Héguy pour un long moment et on ramasse un bras cassé qui permet à Perpignan d’éloigner le danger.
Là, tu commences à te dire que quand ça va pas…
Et les en-avant continuent de s’empiler au compteur des mêlées à jouer.
Aucagne rate une pénalité de plus de 50m, Tatafu est bien de retour, Roelofse peut en témoigner, les quatre fers en l’air.
Perpi jette toutes ses dernières forces en défense, exerçant sa pression avec des contre-rucks sauvages mettant les bleus-basques sur le reculoir.
Allan passe une pénalité après un contest gagnant de Velarte, s’il n’y en avait qu’un, ça ne pouvait qu’être lui (16-11).
Il reste deux minutes, si tu veux la gagne, faut se lâcher, faut marquer.
Alors, enfin, on contre-attaque, Maqala crochète, prend l’intérieur de De la Fuente et tombe sur l’inévitable Naqalevu, coutumier du fait, pour un plaquage tête contre tête.
Bilan du choc ; Maqala nez cassé sort sur blessure et Naqalevu, multirécidiviste, prend juste un carton jaune.
L’arbitre a trouvé des circonstances atténuantes que je laisse à votre propre appréciation.La suite, vous la connaissez, je l’ai narrée en introduction de cette chronique et quelques lignes plus bas rien n’a changé.
On prend un point, on gagne une place, on est 4ème après 15 journées, c’est un bilan que nombre d’équipes aimeraient avoir, alors contentons-nous de ce point, digérons notre frustration après ce match et sachons apprécier notre position à l’heure des vacances d’hiver.
La prochaine rencontre est dans 3 semaines contre l’UBB, on aura le temps d’en reparler, d’ici là c’est du repos pour nombre de joueurs et de la réathlétisation active pour tous ceux qui postuleront, à nouveau, à une place dans le groupe.
L’histoire est belle, continuons de l’écrire…
À bientôt.
TEXTE : Pierre NAVARRON