Le grand chamboulement...

C’était l’heure d’un lever de rideau, comme autrefois quand on était cadets ou juniors et que l’on ouvrait l’appétit des spectateurs avant le grand match de 15h. Mais ce temps aux couleurs sépia a disparu à l’aube des années 2000 quand le rugby pro a pris ses aises et que la télé en a fait un produit commercial où même les échauffements deviennent un spectacle.

Aujourd’hui à la place des matchs de lever de rideau, le spectateur brunch, la bière étend le règne du houblon et le saucisson est une cacahuète au goût ovale.
Le soleil et les premières chaleurs étaient de la partie, Vivaldi jouait son printemps et les derniers frimas de l’hiver restaient accrochés aux souvenirs des matchs frileux.

C’était jour d’Europe contre des Sud-Africains, normal ou presque pour un féru de rugby mais légèrement paradoxal pour une personne lambda plus branchée par la géographie d’un planisphère que par la logique de la beuchigue et du crampon aiguisé.

Mais puisque l’Europe élargie s’offre à nous, régalons-nous de la regarder sous toutes ses coutures, même si ce n’est que la coupe de seconde zone, loin des lumières de Toulouse ou du Leinster.
Les Bulls c’est gaillard, il y a du springbok de partout, du grand, du très grand, du tonique, extrêmement tonique et du rugueux partout, comme dans un film avec Mel Gibson.
Bayonne, en vert, met le feu d’entrée, jouant sur la vitesse de ses trois-quarts, Germain valide tout ça avec une pénalité.

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Et puis les Blue Bulls vont user et abuser de leur physique hors-norme, venant taper fort sur la ligne de front, tabassant toutes les mêlées pour gagner des pénalités et égaliser.

L’opposition de style prévue est bien là, Bayonne attaque de loin au risque de se faire contrer par la défense agressive des boys de Pretoria.
Au quart d’heure de jeu, les Sud-Africains vont marquer le premier essai du match ; une giclette de leur arrière à hauteur de son 9, une croisée un peu plus loin avec son ailier qui n’a plus qu’à aller marquer (3-8).
Les Bulls ont profité d’un manque de connexion de la défense bayonnaise et d’un replacement défaillant. C’est le pragmatisme à l’Afrikaner…

Les bleus en vert vont tenter de contourner la rugueuse ligne défensive des sud-af en cherchant rapidement les extérieurs où en jouant au pied dans leur dos.
Mais la bande à Coetzee maîtrise le ballon, sans en faire grand-chose, gênés aux entournures par les plaqueurs bayonnais qui ne lâchent pas un centimètre de terrain.
A la demi-heure de jeu, Erbi va prendre un gros tampon, touché au genou, il se relèvera en boitant bas, changement annoncé et le grand chamboulement commence : Tilloles rentre en 9, Spring passe en 15, Tiberghien devient centre et Germain prend la place à l’ouverture.
Tout ce remue-ménage n’a pas l’air de gêner nos Bayonnais qui marquent un essai tout en coin par Mori (8-8).

Mais le grand chamboulement n’a pas fini son meccano, Germain prend un raffut à la gorge, sans aucune réaction du gang arbitral…
Ce qui aurait dû être une pénalité pour Bayonne, devient un ballon à jouer dans nos 22 pour des sud-Af qui n’en demandent pas plus et marquent un nouvel essai, juste avant la mi-temps (8-15).
Le demi de mêlée des Bulls anime bien autour des rucks profitant de tout l’impact de Coetzee qui avance à chaque collision.
A la reprise, le grand chamboulement continue son jeu de chaises musicales et sort Mori pour une douleur aux adducteurs.
Spring est revenu en 10, Mousques est passé à l’arrière, Callandret est rentré à l’aile et Habbel-Kuffner est au centre, tel un Henri Mioch 2.0.
On est en pur bricolage, les repères et les automatismes sont passés en pertes et profits et ce qui devait arriver…


On commet une succession de coups de pied tout pourris, une relance tanquée d’un pilier sud-af au poitrail de chevalier, un jeu de billard qui flirte avec la ligne de touche mais sans vraiment l’embrasser et troisième essai pour les bulls (8-22).
On n’a pas le temps d’avoir peur, 2 minutes plus tard Rémy Bourdeau marque suite à une pénaltouche et à un jeu au près des avants verts.


Le jeu s’emballe, on se met le feu tout seul, Tilloles sauve sur la ligne, l’arbitre a du mal à régler la phase des mêlées, de plus en plus confuses.

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Traversier refoule un bull qui perd le ballon, Megdoud en fait une gourmandise pour Cheikh qui trouve Mousques, pas de l’oie à la Campese et cravate made in 80’s d’un talonneur barbu, simplement sanctionné par un carton jaune, alors qu’à mon sens le rouge s’imposait, sans aucune circonstance atténuante.
Les bulls sont sur la défensive, le public hurle au hors-jeu permanent, l’arbitre n’a pas la même vision.
C’est la bagarre dans tous les rucks, les mains crochues agrippent le moindre ballon qui traîne.
GHK arrache un ballon, nouvelle relance de Megdoud pour Spring, Mousques en bout de ligne.
Xan revient dans l’intérieur du terrain, il retrouve Callandret plein axe aux 40m sud-af, la porte de l’essai est juste là, mais un plaquage hargneux déséquilibre l’ailier bayonnais qui commet un avant sur l’action.
Notre réalisme n’est pas à hauteur de celui des bulls, c’est déjà un premier constat factuel.
Le grand chamboulement termine son tour de manège, ce coup-ci c’est Baptiste Tilloles qui hérite d’un coup de coude en pleine gorge, les arbitres ne voient toujours rien.
Callandret passe… en 9 et Traversier finit le match à l’aile, c’est presque du n’importe quoi.

Non ça l’est réellement !!! Les Bulls se moquent de nos déboirent et de notre atelier bricolage, Van Shaden marque un quatrième essai (15-29). 

On se perd un peu en exaspération après l’arbitre, on trouve des touches directes qui nous ramènent à notre point de départ, mais malgré tout on semble mieux finir le match que les Prétoriens (néologisme régional).
On marque un premier essai refusé, mais on ne lâche pas, il reste à peine 5mn à jouer, Spring et Mousques font un mano-à mano dans les 22 adverses et Tom va aplatir l’essai, sûrement le plus beau de l’après-midi, Cheikh Tiberghien transforme (22-29).

Quatre minutes pour aller chercher des prolongations, on tente, de loin, de très loin, de trop loin.
Une mauvaise passe, un ruck, une nouvelle décision controversée de l’arbitre et Goosen passe la dernière pénalité qui scelle le score de ce match (22-32) et entérine la qualification Sud-Africaine. La victoire des Bulls n’est pas usurpée mais si Bayonne l’avait emportée, il n’y aurait pas eu de scandale non plus.
Ça c’est joué sur quelques détails, de toute façon ça se joue toujours sur des détails et les Sud-Af les ont mieux géré que nous.

On ne peut occulter non plus, tous ces changements contraints dans les lignes arrières bayonnaises et qui ont sûrement pas mal handicapé la fluidité des attaques bleues et blanches.

C’est dommage de s’arrêter déjà, mais ça permettra de reposer certains joueurs et de repartir à fond pour la dernière ligne droite du championnat.
La coupe d’Europe est finie pour nous, vive le Top 14 et ses espérances les plus folles.

À bientôt

Texte :  Pierre Navarron